Loulou, née Whippet, est
décédée le 29 avril 2014.
« Maman, on dirait que
ça me fait pas tant que ça quelque chose. Ben, un peu là, mais pas tant que
ça ».
Je peux comprendre, fiston.
Tu n’as pas connu les meilleures années de Loulou. En fait, elles se sont
probablement éteintes le jour où tu es rentré dans la maison. Pas qu’elle ne
t’aimait pas. Elle n’aimait juste pas ton manque de délicatesse. Déjà, à 5
mois, tu lui tirais les moustaches et lui arrachais d’énormes touffes de poils.
Sa belle fourrure blanche immaculée. Qu’est-ce qu’elle était belle ma Loulou!
Elle en a enduré des choses
ma belle Loulou. À commencer par toi. Et, que dire de Cassonade et Charlotte
qui lui ont réservé un accueil mitigé le jour où elle est devenue ma chatte.
Elle, elle voulait simplement jouer avec eux. Pas eux. Ils voulaient la manger.
Ils avaient adopté une stratégie de guet selon laquelle un félin se postait à
un coin de l’appartement et l’autre, complètement à l’opposé. Juste devant les
plats de bouffe. Pour pas qu’elle bouffe leur bouffe.
Puis, elle a passé une année
de sa vie à me voir brailler quasiment tous les jours. Ça, c’était à l’époque
où toi et moi on s’est retrouvés seuls avec notre petit bonheur, rue Chambord. Elle
l’a cherché pendant quelques jours ton papa.
Ensuite, ça été le
déménagement. Les mouvements de corps, les chats, n’aiment pas trop. Mais
Loulou, elle, elle n'aimait encore plus "pas trop ça" que la moyenne des chats. Elle
gueulait tellement dans l’auto que tu t’es mis de la partie et t’as braillé,
voire hurlé avec elle. Et là, un moment donné, y’a eu cette odeur
immonde : elle s’est pissée dessus. De blanc, elle est passée à jaune.
Eurk!
Enfin, Loulou a coulé
quelques années de calme dans notre nouvel appartement. Elle s’y est faite et
je pouvais ressentir son bien-être quand au beau milieu de la nuit, croyant que
le tonnere s’était levé, je réalisais que Loulou ronronnait de
satisfaction : c’était pas un chat, c’était un tank qui dormait avec moi.
Son repas préféré était
le thon. Dès qu’elle entendait l’ouvre-boîte, elle réclamait son dû. Et, si
j’avais le malheur de ne pas lui en donner –parce que j’avais ouvert une canne
d’ananas- et ben, elle en avait pour des heures à bouder. Elle n’a jamais compris
le principe selon lequel il y a autre chose que le thon qui vient en conserve.
C’est de même un chat, ça comprend rien à rien. Et, Loulou ne faisait pas
exception à la règle. Elle était conne.
Mais, tsé, une belle conne.
Attachante en plus. Pis cute à souhait. Tous les visiteurs s’exclamaient devant
sa prodigieuse beauté. Mais s’ils avaient le malheur de la prendre sans
son consentement, elle se crispait, prenait panique et essayait de se déprendre
de son ravisseur comme s’il venait de la martyriser à mort. Pas à l’aise
pentoute dans les bras d’un étranger. Même pas dans les miens. Encore moins
dans les tiens, Raph.
À l’été 2010, on a emménagé
dans le logement du bas du duplex qu'on occupait, et oncle Daniel a posé ses pénates dans le nôtre. Le drame toi! Pourtant, Loulou avait
maintenant accès au jardin. Mais, les fleurs pis les moineaux, c’était pas trop
son truc. Elle préférait de loin le sofa et le bois franc. Au-travers tout ça,
le cycle de la vie a fait son œuvre : Charlotte nous avait quittés
quelques mois avant le déménagement et ensuite, Cassonade. Là, Loulou
était ben. Vraiment bien. C’était la reine de l’appartement. Mais, son règne
fût de très courte durée. On lui a imposé Couscous. La nouvelle venue lui
sautait sur la tête, mordait sa queue, l’emmerdait à fond la caisse!
Un jour, celui que tu
appelles affectueusement Maxou, est venu vivre avec nous. Pis Léo. Son chat. Une
autre affaire… On ne saurait dire si c’est à cause du caractère bouillant de
Loulou, mais Léo a fugué après seulement quelques jours. Faut dire qu’elle
n’était pas commode quand elle s’y mettait la vieille. Oui, car il faut l'admettre, avec le temps, Loulou est devenue une vraie mégère. Les années
commençaient à faire leur œuvre : moins de patience, moins d’endurance.
Depuis quelques mois, Loulou
semblait un peu mal en point. Elle marchait avec difficulté. Elle s’endormait
partout, le dos recourbé, les poils moins lustrés. Souvent, on se disait qu’il fallait en finir avec sa souffrance. Et, quand on était décidés à la libérer,
elle s’accordait un sursis : elle retrouvait de la vigueur et trouvait
l’énergie nécessaire pour terroriser Elgros, le chat de monocle Daniel, qui s'aventurait chez nous.
Samedi dernier, Bosko est
entré dans nos vies. Un mignon chiot absolument fou quand il voit un chat. Soit
il les aime trop. Ou pas du tout. On ne sait pas encore très bien, on apprend à
se connaître et on commence à peine à décoder nos langages respectifs. En tant
qu’humains, on pense que Bosko veut jouer avec les chats. Les chats, en tant
que chats, pensent qu’ils vont se faire tuer. Y’a comme une zone grise.
Comme Loulou semblait nous
dire qu’elle avait encore envie de sa vie, on avait décidé d’attendre de voir
sa réaction vis-à-vis du bébé chien.
Elle a été radicale et sans équivoque.
Loulou, née Whippet, est
décédée le 29 avril 2014. À moi, ça m’a fait quelque chose de la voir partir.
De la trouver inanimée dans un coin de ma chambre, après tout ce que nous avons
vécu en 12 ans.
J’espère que malgré tout ce
que je t’ai fait endurer Loulou, tu as aimé ta vie de chat un peu folle avec
moi. Envoie-nous toute ton énergie pour nous aider à notre tour, à endurer
notre nouveau pensionnaire. Ton départ et son arrivée secouent un peu la maisonnée cette semaine. Mais, comme tu l’as si bien démontré tout au long de ta petite
vie, on s’habitue à tout.
Bon voyage Loulou!