mercredi 15 janvier 2014

Lettre à l'intention de Facebook

C’était inévitable. La question allait arrivée un jour ou l’autre. Je ne sais pas s’il s’agissait de ce jour ou de l’autre, mais reste qu’il l’a demandé :

- Maman, c’est qu’elle âge pour avoir un compte Facebook?
- 13 ans

(Là, y’a mon amoureux qui me regarde d’un air dubitatif. Dans mon livre à moi c’est 13 ans, chéri).

- Mais maman, j’ai des amis à l’école qui ont un compte.
- Peut-être, mais qu’est-ce que tu ferais avec un compte Facebook de toute manière?
- Ben, toi, maman, tu fais quoi sur Facebook?

(Là, y’a mon amoureux qui renchérit: Ouain, tu fais quoi sur Facebook, hein?)

Merde, je sais pas quoi dire.

Pour essayer de comprendre, je décide de rédiger une lettre à l’intention de Facebook:

Cher Facebook,

Tu n’es plus un phénomène. Tu es une réalité. L’époque où j’étais séduite par ton caractère nouveau et exceptionnel est révolue. Aujourd’hui, je te consomme seulement par habitude. Parce que tu t’es sournoisement immiscé dans ma routine. Parce que si je ne te consulte pas, j’ai l’impression qu’il manque quelque chose à ma journée. Parce que je suis devenue dépendante.

T’es un petit pervers, Facebook.

Tu me fais penser à ces débuts de relations dont on ne veut pas vraiment. Au début, on se voit de temps en temps pour satisfaire nos besoins fondamentaux. Puis, peu à peu, ça devient plus intense. On regarde des films ensemble, on passe même à l’épicerie à deux. Un bon matin, on trouve la brosse à dents de l’autre dans son tiroir de salle de bain. Ça commence à être du sérieux tout ça, faudrait qu’on prenne nos distantes. On les prend. Une, deux, trois semaines passent et on se recroise dans le rayon des charcuteries. Dans le fond, c’était bien agréable nos petites virées, non? Et, ça recommence. Finalement, au bout de quelques années, on se réveille avec deux ou trois marmots sur les bras et une hypothèque étouffante. On n’a pas le choix, on est pognés ensemble pour un maudit bon boutte.     

T’es vraiment un petit pervers, Facebook.

En plus, t’es responsable de quelques-unes de mes angoisses. T’es même à l’origine de certains malentendus avec mes amis. Tu crées aussi parfois des tensions entre mon amoureux et moi. Parce que t’es trop facile. Tu te laisses faire n’importe quoi sans rien dire. Une vraie guidoune virtuelle. Tu te couches sur le dos et tu te laisses flatter la bédaine comme un gros matou en rut. On en veut toujours plus de toi, même si d’une certaine manière, t’es impersonnel. On peut s’inventer une vie avec toi. On peut se rendre plus beau qu’on est. On peut se donner un statut enviable. On peut avoir l’air plus heureux qu’heureux.

T’es un méchant malade, Facebook .

T’es comme un char ou un four micro-ondes: Rares sont les gens qui n’en possèdent pas. Je dirais même plus: t’es comme une paire de fesses, tout le monde en a une. Tu comptes parmi les inventions qui font partie intégrante de nos vies. T’es rendu normal. Tu vas de soi. T’es là, t’existes, t’es quasiment nécessaire. C’est de même, pis c’est toute, comme dirait Daniel Boucher. 

T’es une “désise”, Facebook.

*“T’es un crotté
Un égocentré
T’es un pas d'cœur
Un pas d'classe
Un charmeur
Courailleux
Va-nu-pieds”

Mais, il viendra sûrement le jour où je me libérerai de ton mal. Parce que, oui, il a raison mon fils, au fond:

Qu’est-ce que je fais avec toi, Facebook?

“Ouain, mais là
J'passerai pas ma vie d'même
Ça m'tente pas
J'ai pas l'goût
J'veux rien savoir de ça
Moment donné, un gars s'tranquillise” (Une fille itou)

Bon, va pas croire que t’as pas des bons côtés. C’est juste qu’en ce moment, je ne les vois pas. Comment ça? Parce que mon petit garçon de 10 ans veut entrer dans tes combines. Faque, j’fais quoi avec ça, Champion?


  

* La désise, Daniel Boucher